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Actualités

"Notre action est visible à travers le nombre de ménages assistés par l’État" Kouadio Marie Koné, Directrice Générale de la Cohésion Nationale

07 Novembre 2024
  

L'élection présidentielle est source de crise en Côte d'Ivoire. A quelques mois de la présidentielle de 2025, et dans le cadre de la cohésion nationale, quels leviers doit-on actionner pour faire de la cohésion sociale une réalité ?

La Côte d’Ivoire depuis quelques années, notamment en 2002 et 2011, a connu de nombreuses crises. Ces crises ont contraint le gouvernement ivoirien à créer les conditions idoines pour ressouder le tissu social qui a été fissuré par ces différentes crises. C’est ainsi que plusieurs actions ont été menées. Ce sont l’organisation de campagnes de sensibilisation dans les médias. La création de structures de renforcement de la cohésion nationale sur le plan  institutionnel. Depuis 2016, un ministère entièrement dédié à la promotion de la cohésion sociale a été créé. Et depuis 2023, ce démembrement du gouvernement dénommé ministère de la Cohésion nationale, de la Solidarité et de la Lutte contre la pauvreté. Ce ministère a en son sein la Direction générale de la cohésion nationale. La cohésion sociale est l’état de la solidarité à l’échelle d’un pays ou d’une nation, favorisant l’intégration des filles ou des fils de cette nation. Elle prend donc en compte la lutte contre les inégalités, les discriminations de toutes sortes, la prévention et la gestion pacifique des conflits, le renforcement et l’autonomisation  des institutions de la République.

Mais elle va également au-delà de ces crises qui surviennent et agissent sur tous les secteurs socio-économiques, culturels et environnementaux d’une nation. Elle traduit une entente harmonieuse entre les membres d’une société. Elle sous-entend les rapports de paix entre les communautés malgré leur diversité. Les repères et référents sont selon le Pnd 2021-2025, l’axe cohésion secteur Paix et Cohésion, la stratégie nationale de réconciliation et de cohésion sociale 2016-2020, qui est d’ailleurs en pleine révision.

La cartographie des conflits actualisée en ce moment, les politiques de réintégration des réfugiés dans le Nord, l’organisation des dialogues intercommunautaires sont les actions menées. Il faut éviter tout ce qui est isolement, le sentiment de partager des valeurs communes même étant de différentes cultures mais le sentiment de partager les mêmes valeurs. L’insertion qui s’oppose à l’exclusion, la reconnaissance qui s’oppose au rejet.

 

Les litiges dans les communautés ne compromettent-ils pas le succès de la cohésion entre les communautés ?

La  résurgence des tensions et des conflits nés des situations d’incompréhension, de la circulation de fausses informations, de stigmatisation communautaire ou d’incitation à la violence sont des situations qui mettent à mal la cohésion sociale. Les conflits accentuent la fracture sociale, provoquent l’éclatement des structures communautaires, multiplient les sources de tension et les violations des droits humains. Le ministère en charge de la Cohésion travaille à réduire ces conflits qui demeurent de réelles menaces pour la cohésion sociale.

 

 Quels sont les types de conflit qui surviennent régulièrement ?

Les anciens litiges qu’on connait en Côte d'Ivoire sont les conflits fonciers, les conflits communautaires etc. Mais nous constatons que de nouveaux conflits naissent depuis un certain moment. Ce sont les conflits culturels. Nous avons récemment à Korhogo eu des conflits qui opposaient des porteurs de masques de Poro et des jeunes malinké qui sortaient d’une virée nocturne. Aussi, dans l’Ouest du pays, des conflits de plus en plus récurrents portent sur le foncier. C’est le cas dans tout le pays. Il y a également les conflits de délimitation de village etc.

 

Qu’est ce qui est fait en termes de prévention des conflits ?

Nous avons la direction de la prévention et de la gestion de conflits qui s’occupe de la prévention et la gestion des conflits. Mais en amont, nous identifions à travers l’Observatoire de la solidarité et de la cohésion sociale (OSCS) toutes les informations en termes de conflit ou de possibilité de conflit. Cette direction est chargée de la prévention puis, la gestion se met en branle lorsque nous sommes saisis. La méthodologie opérationnelle consiste d’abord en une mission d’écoute. Ensuite, nous faisons des ateliers de sensibilisation et de formation à la gestion des conflits dans la localité. Nous sensibilisons les populations à la gestion des fausses rumeurs et à la gestion des conflits fonciers.

Cette direction est aidée par la direction de la cohésion sociale qui s’occupe essentiellement du dialogue inter communautaire, de la sensibilisation et de la formation. De plus, nous avons la direction de la consolidation de la paix et de l’unité nationale qui promeut les symboles de la nation.

La prévention se fait à travers la sensibilisation. Nous avons des directeurs régionaux qui sont au quotidien auprès des populations pour enseigner le vivre-ensemble. Récemment, nous avons eu 126 indicateurs de cohésion sociale et de solidarité approuvés par le gouvernement. 97 d’entre eux sont liés à la cohésion sociale et les autres à la solidarité. Notre action est visible à travers le nombre des ménages dans les localités assistés par l’État à la suite de conflits ou de catastrophes naturelles. Nous constatons le renforcement de la confiance entre les populations. Nous étions à Bondoukou où la royauté est bien établie. Nanan Bini II dit avoir réglé plus de conflits où il y a eu mort d’hommes que la justice n’a pu régler. Le gouvernement a jugé de les ériger en institution, ils prennent leur place dans le règlement des conflits. Nous sommes passés par nos us et coutumes, pour sensibiliser à la cohésion sociale, à la gestion pacifique des conflits et à la paix dans la région. Il y a eu le renforcement de confiance entre les politiques et la population. Le volet économique également n’est pas à négliger. Nous développons les ‘’Avec’’ (Association pour la valorisation de l’entraide communautaire), grâce au ministère de la Cohésion nationale, de la solidarité et de la lutte contre la pauvreté.

 

Quels sont les facteurs d’alerte pour prévenir les conflits endogènes et exogènes en Côte d’Ivoire ?

L’OSCS est le baromètre des conflits et catastrophes naturelles en Côte d’Ivoire. Les conflits culturels persistent principalement dans les zones nord et ouest du pays, où les masques sont les éléments moteurs de la tradition. Il y a également les défis liés à la transhumance qui créent des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Les menaces liées à l’orpaillage illégal et les difficultés de succession dans la gouvernance locale.

La zone akan est malheureusement la plus touchée. Pour ce qui relève des tensions en périodes électorales, il faut dire que la liste électorale crée déjà des tensions, mais je fais confiance au Président de la République, au gouvernement et au ministre en charge de ces actions. Nous avons également les facteurs d’alerte exogènes, avec le flux massif de réfugiés dans le Nord. Le ministère en charge de la Cohésion nationale a été le premier ministère qui a accédé à la zone de Kafolo, quand les premiers réfugiés sont arrivés. Vous n’imaginez pas la peur qui nous habitait lorsqu’on traversait la forêt qui conduisait à Kafolo. La ministre Myss Belmonde Dogo a touché du doigt la réalité. Il y a également l’insécurité transfrontalière avec la menace djihadiste qui sévit dans les pays voisins. Mais le gouvernement est à l’œuvre.

 

Dans vos attributions, quels sont les avancées en Côte d’Ivoire en termes de cohésion nationale ?

Partout en Côte d’Ivoire, nous voyons la ministre aux côtés des populations. Dans le programme national de la cohésion sociale, nous construisons des infrastructures communautaires, telles que les maisons des chefs, des foyers de jeunes, etc. Nous réhabilitons des écoles suite à des conflits. Cependant, la ministre aurait aimé faire de la solidarité constructive en lieu et place de la solidarité réparatrice.

 

Quelles leçons tirez-vous de ces nombreux conflits entre autochtones et allogènes ou éleveurs et agriculteurs ?

Nous avions eu l’incident à Bonoua où il y a eu de graves répercussions. Nous y sommes allés et nous avons constaté l’intolérance, l’absence de dialogue, la non-application des mécanismes endogènes de prévention et gestion de conflits. Il y a également le non-respect des traditions des autochtones par les allogènes. Nous formons ces communautés à la cohésion sociale, à l’effet de prôner la paix et le vivre-ensemble. Certains documents sont des boussoles, notamment la stratégie nationale de réconciliation sociale. A cela s’ajoute le dimanche de la solidarité qui touche des couches vulnérables.

En Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire, au regard des précédentes échéances électorales,  élection présidentielle rime avec échauffourées.

 

Comment le ministère se prépare-t-il à garantir la cohésion sociale pré et post-électorale ?

Notre ministère est avant-gardiste. Depuis l’année dernière, la ministre a initié un programme national de cohésion 2024 2025. Nous avons en ligne de mire le processus électoral et la gestion des conflits. Nous avons également en vue la création du Conseil national de la paix. Un instrument mis en œuvre au Ghana qui vise à préserver la paix avant, pendant et après les élections. Ce programme a pour thème : Agir pour tous, pour le renforcement de la culture démocratique, la prévention et la gestion pacifique pour une Côte d’Ivoire solidaire et cohésive dans sa diversité. Tous les acteurs sociaux et partenaires impliqués dans les échéances électorales seront formés à la préservation de la paix.

Nous ne pouvons pas certifier à 100% qu’il n’y aura pas de conflits, mais nous nous donnons les moyens de contenir ces conflits. Nous avons aussi l’observation de la révision de la liste électorale qui a commencé avec l’OSCS. L’éducation à la citoyenneté, au civisme, aux droits humains et à la culture démocratique est un pan développé par le ministère. Le médiateur de la République fait également des formations dans ce sens. Un programme du processus électoral sur les plateformes dans plus de mille ‘’Avec’’ à l’intérieur du pays, est développé en collaboration avec Caire international. Des politiques eux-mêmes seront sensibilisés contre les discours de haine. La ministre a commencé à rendre visite à des entités qui sont des acteurs sociaux notamment les responsables religieux. Très bientôt, elle va rencontrer tous les leaders politiques pour des élections que nous voulons dans la paix.

 

Pensez-vous que la Côte d’Ivoire a fait un bond significatif en termes de démocratie ces dernières années ?

Bien sûr. La floraison des partis politiques en est une preuve. C’est déjà un pas important en démocratie. Nous avons le dialogue politique qui n’a jamais été interrompu. Le jeu démocratique se fait normalement. L’opposition est dans son rôle et le parti au pouvoir également. C’est ce qui fait que nous avançons et nous avons fait un grand pas en avant.

 

Ne craignez-vous pas que le tissu social soit fragilisé pendant cette période électorale ?

Non. Le croire, c’est dire que tout le travail abattu par le ministère n’a pas sa raison d’être. Mais nous œuvrons à maintenir cette cohésion avec confiance et le soutien du Président de la République, Son Excellence Alassane Ouattara et le gouvernement ivoirien qui œuvrent à garantir la cohésion nationale.

 

Interview réalisée par Ange Martial EHOURADE / Fraternité Matin


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